Le projet s’intéresse à toutes formes d’énergie semblant
être enfouies et revenant à la surface à l’image des
déchets, du pétrole ou de l’eau des nappes phréatiques.
Des plans vidéos sont réalisées et montrent la
fin de soirée d’un groupe de termites au lever du soleil.
Laissés-là,
des objets dans le territoire font trace de ce qui est en train d’émerger.








À l’origine, la Plaine du Coussoul était recouverte
d’eau, celle de la Durance. Des phénomènes
tectoniques ont dévié le cours du fleuve. Il ne
reste maintenant que des cailloux, le terrain est
difficilement praticable. Seuls, les bergers, les
moutons et les autres espèces naturelles peuplent
ce territoire étendu. La région reste sèche, rien
ne semble se passer et pourtant, des termites
se réunissent pour célébrer ensemble. À la nuit
tombée, elles se réveillent le corps encore fumant
de la chaleur accumulée de la journée. Cette fumée
très diffuse est à peine perceptible et reste au ras
du sol comme une rosée. Leur corps se compose
d’antennes moniliformes, d’une tête broyeuse, d’un
abdomen en aluminium et des pattes en sétules.
Elles se reproduisent par contact avec l’électricité.
Les termites ne s’observent que rarement à l’œil nu,
c’est au bruit que l’on devine leur présence.
Au rythme de gouttes qu’on entendrait taper
sur l’eau en début de pluie ou à l’image des
applaudissements lointains et désorganisés d’un
rassemblement, elles s’agitent et rebondissent.
Les percussions de leur corps sur les objets de
la plaine finissent par s’accélérer dans un grand
grésillement. Leurs sauts sur le sol créent des
vibrations et la ligne d’horizon bascule. Les bergeries
et autres bâtiments glissent, les pierres roulent sur
l’étendue déserte de la Crau, seuls les poteaux en
bois des clôtures électriques restent attachés au
sol. La Plaine s’élargit et la température chute en
un seul instant. La surface du paysage se trouble
et scintille, la lumière devient palpable. Un hum
bruyant accompagne ce mouvement qui appelle les
choses présentes en sous-sol. Lentement, l’eau,
le pétrole, les crânes d’animaux et les reliques de
guerres oubliées apparaissent sur la surface comme
des phantasmes et, dans le temps, des trous se
dessinent. Les termites grignotent tout ce qui est
possible d’être grignoté et finissent par ingérer leur environnement.
On pourrait craindre que le réel ne disparaisse à
force d’être consommé ainsi, mais au fil de la nuit, le ciel s’étire vers le matin et les termites excitées par
l’arrivé de la lumière du soleil se cachent dans les trous qu’elles avaient créé. Les objets sont laissés
ici et là et l’emplacement des terres de la Plaine se retrouve dans le désordre. On a beau revenir
au même endroit, il est impossible de retrouver le même chemin que la veille.
Il faudra attendre
la nuit prochaine pour que la fête de ces termites
redistribue le territoire.

Vidéo Ciao les termites, 1mn, 2024
Cargo Collective 2017 — Frogtown, Los Angeles